Toutes les femmes sont des sirènes, elles pensent avec leur queue… Il n’y a pas à dire, le titre du nouveau roman de Julia Palombe interpelle et cherche à provoquer, tout comme son autrice en a l’habitude. Artiste française multiple, première française à faire un one-woman show enceinte, Julia Palombe nous livre ici un récit érotique qui prend la forme d’un dialogue entre deux femmes, où les souvenirs sexuels de l’une émancipent les désirs de l’autre.
Des sirènes qui jouissent à la queue leu leu
Si le rappeur Orelsan entendait « le chant des sirènes », Julia Palombe nous fait entendre leurs orgasmes à travers les pages de son roman. Les deux protagonistes du livre sont Louise, une écrivaine reconnue et Aurore, une jeune journaliste venue l’interviewer. L’histoire du livre tourne autour de cet échange, durant lequel Louise raconte sans détour ses souvenirs de décadence sexuelle avec différents hommes rencontrés dans sa vie à partir des années 1970, devant les yeux innocents de la jeune fille de plus en plus émoustillée par ce qu’elle écoute.
Si Louise n’est pas insensible aux charmes des femmes et a également éprouvé une relation lesbienne, le récit narre sans aucun doute les aventures d’une femme très hétéro. La sexualité libre avec les hommes est au cœur du récit de Julia Palombe, qui semble nous transmettre à travers les lignes son amour sauvage et cru du sexe masculin. Ou devrais-je dire de « la bite », car le terme est fortement employé dans le livre, comme pour bien appuyer sur le désir sexuel bestial de Louise et des différents hommes avec qui elle couche.
Le livre de Julia Palombe souhaite exciter les lecteurs et lectrices, mais surtout, il veut défendre la liberté sexuelle des femmes, le droit à vivre une sexualité sans tabous, qui s’émancipe des contraintes et de la bien-pensance, et se vit selon ses envies. Louise couche quand elle le veut, avec qui elle veut, à tout moment, sans gêne, ni interdits moraux. Se faire prendre devant un autre couple voyeur, se faire caresser sous une table en public, draguer un mec frontalement en lui disant qu’elle veut coucher avec tout de suite… Louise n’a peur de rien et assume complètement ses désirs avec vice et simplicité. Elle agit comme un oracle aidant Aurore à entamer son parcours initiatique de la sexualité.
Un bon roman érotique pour les hétéros
La queue des sirènes fait écho à celle des hommes et les deux se retrouvent pour voguer ensemble sur des vagues de plaisir et de cyprine. C’est un livre érotique qui devrait surtout plaire aux femmes (et hommes) hétérosexuelles, ayant des désirs libertins, aimant lire la sexualité crue et excitées par le sexe avec les hommes. Dans le livre, on pense avec la queue, pour les queues et comme des queues, si je puis me permettre. En effet, une femme bisexuelle ou lesbienne, ou une personne qui se définirait comme non-binaire, ne trouvera probablement pas son compte dans le roman de Julia Palombe. Tout le monde peut y trouver une excitation en lisant certaines pages, mais le livre manque peut-être parfois d’une certaine subtilité charnelle, les mots crus sont un petit peu lourds à lire par moments, et l’ensemble peut paraître un peu trop phallocentré bien que les protagonistes (et l’autrice) soient des femmes. Evidemment, c’est mon goût personnel qui ressort de cette analyse, à vous de juger selon vos propres désirs en matière de littérature érotique !
Ce n’est pas le roman érotique qui m’aura le plus séduit, néanmoins, c’est un roman dont la structure narrative est très intéressante et qui se lit quasiment d’une traite, grâce à une écriture rythmée. Le manifeste central du livre n’est pas pour déplaire à Desculottées : les femmes aussi aiment le sexe, ont tous les droits de le vivre pleinement, de le revendiquer et cet épanouissement sexuel est un chemin de liberté et de bien-être ! Ces mots prononcés par Louise dans le livre serviront de conclusion idéale : « On ne naît pas jouisseuse, on le devient ! » Et merci à Julia Palombe de le rappeler.
Toutes les femmes sont des sirènes, elles pensent avec leur queue… est édité par les éditions Blanche. Prix, 17 €. Livre disponible sur Amazon.
Les chiennes ne font pas les chattes. J'oscille entre les deux.
En aucun cas, je ne te reproche d’exprimer ton ressenti (il ne manquerait plus que ça !!! sur ton blog, en plus ) et c’est effectivement ce que tu as écrit (« Évidemment, c’est mon goût personnel qui ressort de cette analyse ») et je comprends parfaitement les réserves que tu exprimes.
Je te remercie d’ailleurs de le faire, parce que dans notre petit univers, j’ai souvent l’impression de lire des critiques complaisantes ; ça fait du bien de sentir un ressenti vraiment personnel.
Ce qui me fait plus tiquer, c’est quand tu te glisses dans la peau d’autres lecteurs·trices en anticipant leur réaction en fonction de leur orientation sexuelle. Même dans le domaine du porno, c’est compliqué de deviner ce qui va exciter ou pas une personne, quelle que soit sa sexualité (par exemple, il y a des lesbiennes qui consomment du porno gay, même si ce n’est sans doute pas la majorité d’entre elles).
À la réflexion, c’est plutôt la façon dont tu as rédigé ta critique qui m’a fait réagir.
Un truc comme « si une vision phallo-hétéro-centrée de la sexualité vous hérisse le poil, passez votre chemin ! » m’aurait plus convenu que « un bon roman pour les hétéros ». Parce que ça aurait axé ton commentaire non pas de la sexualité de la personne qui va lire, mais de son approche de la sexualité, ce qui peut être connexe, mais qui est différent.
Oui je comprends mieux ton point de vue et ta critique est effectivement valide et je te remercie de m’en faire part (cela me fait plaisir aussi d’avoir un peu de confrontation dans ce monde des algorithmes, et puis c’est la preuve que quelques personnes lisent encore les articles jusqu’au bout ;)). Effectivement une personne hétéro peut adorer mater du porno gay ou lesbien, et réciproquement. Mais le texte et l’image me semblent-ils ne pénètrent pas l’imaginaire pareillement. L’image a l’avantage de montrer les corps, les émotions sexuelles des gens, ce qui peut je pense plus facilement permettre de s’identifier à une sexualité qui n’est pas « nôtre » en théorie, car on se positionne dans les corps représentés (idem avec la BD par exemple). Le texte seul, demande beaucoup plus de convoquer son propre imaginaire pour ressentir l’excitation et je pense que la façon dont les scènes sont décrites dans « Toutes Les femmes sont des sirènes elles pensent avec leur queue » sont plus faciles à projeter pour une personne hétérosexuelle. La manière de décrire les hommes et leur façon de baiser, la façon de partager le ressenti de la protagoniste dans sa sexualité etc… sont dans des schémas de sexualité très hétéro, et je pense vraiment qu’une personne non hétéro peut avoir plus de mal à se mettre dedans, cela rappelle peut-être un peu trop des mécanismes dont justement tu es éloigné-e. C’est au-delà de l’acte sexuel décrit lui-même, mais vraiment dans l’énergie qui se dégage en filigrane du texte.
Je trouve curieux que tu estimes qu’un roman plaira à telle ou telle personne en fonction de son orientation sexuelle, comme s’il était nécessaire se reconnaître dans un ou plusieurs des personnages pour l’apprécier.
Or, n’est-ce pas un des intérêts premiers de la littérature (de fiction) que de nous montrer des « ailleurs » ?
Comme je le précise, c’est mon goût et mon analyse personnelle que je partage, justement je ne prétends pas proposer une vérité absolue. Ceci dit, comme expliqué, la protagoniste du livre parle d’expériences sexuelles avec des hommes hétéros avant tout, et il me paraît évident qu’une personne lesbienne se sentira probablement très peu excitée par cette lecture car sa sexualité fonctionne sur des schémas très différents, qui n’ont pas les mêmes codes du désir et qui peuvent même considérer pas mal de passage comme trop heterocentrés. Je sais que le porno fait croire au regard hétéro que la sexualité lesbienne lui est accessible, mais quand on a une sexualité lesbienne on réalise à quel point le porno fantasme le sexe lesbien avec une projection hétéro. Donc évidemment que tout le monde peut être embarqué et excité par tous types d’approches sensuelles d’un roman. Mais dans celui-ci, le regard est très hétéro, très peu bi-friendly ou lesb-friendly (ce qui dans ma bouche n’est absolument pas une critique mais un simple constat). Étant moi-même très fluide et ayant de plus en plus de mal avec certains codes de la sexualité hétéro, je l’ai ressenti très fort à la lecture, car certains ressorts fantasmatiques qui pouvaient me paraitre très excitants avant ne fonctionnent plus, notamment car la sexualité entre femmes par ex, n’a pas du tout ces ressorts-là. Maintenant, ce que je dis n’est pas parole d’évangile